Cartographie des Rocamberlus

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Le Petit Musée de Maurice Lellouche

63 Rue Diderot, 94500 Champigny-sur-Marne, France

Photographie de Francis David prise dans les années 80

Maurice Lellouche (1908-?) - Visite en 2014 et en 2022

Le site est l'abandon depuis de nombreuses années déjà; Une plaque de tôle obstrue l'accès principal et il m'a fallu escalader un mur d'enceinte latéral afin de découvrir les quelques vestiges de ce que fut cet environnement. Il ne reste que quelques mosaïques et bas-reliefs caillouteux aux couleurs passées. La végétation avait pris possession du jardin et je dus désherber à la main les nombreuses herbes folles qui encombraient mon champ de vision. Une carcasse de voiture se trouvait là et je dus monter sur la carrosserie pour accéder au fond du jardin. Il ne reste désormais plus grand chose... Je consultai les quelques photographies prises par Francis David et Bruno Montpied pour mieux circonscrire l'étendue de cet environnement.

Après avoir gagné sa vie comme vendeur de fruits et légumes, Maurice prit sa retraite en 1970 à l'âge de soixante ans et se mit à orner les murs de sa maisonnette de mosaïques de cailloux. Il s'adonna à cette activité créatrice jusqu'en 1989. J'appris par Bruno Montpied via son ouvrage le Gazouillis des Eléphants, une effroyable anecdote: Maurice lui confia avoir mangé de la chair humaine au cours de ses trois années de captivité en Allemagne pendant la guerre. Celui-ci avait dû travailler aux fours crématoires pour survivre. Il apportait les corps des chambres à gaz et les brûlait assistant en toute impuissance au génocide de ses compagnons de camp.

Le même Père Noël il y a quarante ans. Photographie Francis David

Maurice inscrivait des messages aux murs au moyen de ces cailloux collectés: "On est pas des pneus, mais il faut que l'on crève quand même" ou bien "Quinou" Je les offre á Maman et a ma chère mémé" mais encore: Ici le décor est beau, mais l'ennui est grand. (...) Ici couscous garni (...) un illettré adopté par la France (...) moi ce n'est pas le boulanger qui m'a fabriqué et toi non pas le menuisier. Ma mère a aussi souffert que la tienne (...) De la solitude, je fais ma mère, mon père et ma femme. Aimer cette vie comme un bagnard qui finit par aimer ses chaînes"(...) Je n'ai jamais vu un coffre-fort qui suit un corbillard.

Maurice vivait dans un habitat précaire sur un terrain ceinturé par des barres d'immeubles. L'espace habitable paraissait minuscule eu égard à la superficie du terrain. Celui-ci s'étirait dans la longueur et la totalité des murs d'enceinte paraissait avoir été investie. Ces bas-reliefs et mosaïques qui se dérobent à mon regard, du fait de leur ensevelissement, me laissent sur ma faim. Je nourris, à chacune de mes venues, le souhait de débroussailler ces effigies caillouteuses espérant par là même redécouvrir ces trésors enfouis. Aucun projet d'aménagement ne semble mettre en péril cet environnement si ce ne sont les altérations inexorables liées au temps.

Photographie de Francis David dans les années 80

  • - Bruno Montpied, Le gazouillis des éléphants : tentative d’inventaire général des environnements spontanés et chimériques créés en France par des autodidactes populaires, bruts, naïfs, excentriques, loufoques, brindezingues, ou tout simplement inventifs, passés, présents et en devenir, en plein air ou sous terre (quelquefois en intérieur), pour le plaisir de leurs auteurs et de quelques amateurs de passage. Editions du Sandre, 2017.

    - Bruno Montpied, Eloge des jardins anarchiques, Edition L'insomniaque, 2011.