Cartographie des Rocamberlus

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La Bohême de Lucien Favreau

Hameau de Lavaure, 16210 Yviers

Photographie: Isabelle Bouvier

Lucien Favreau (1912-1990) - Visite en septembre 2021

Visite sur rendez-vous.  tél. 05 45 98 02 65.

C'est en 1963, à la mort de Zappy, son fidèle épagneul, que Lucien Favreau développa son activité créatrice. «Tout a commencé quand son chien Zappy est mort. Il l'a enterré dans son jardin en lui construisant un petit tombeau. Et depuis, il n'a plus jamais arrêté», raconte sa fille Mireille Dussuel. Cette passion le gagna vingt-trois ans durant jusqu'à ce qu'il fut atteint de la gale du ciment. Ancien plâtrier, Lucien sculptait à coups de truelle et de spatule ses effigies de béton, réalisait des bas-reliefs en plâtre qui couvraient la totalité du jardin et débordaient de l'autre côté de la route. La plupart du temps, il rendait hommage à des personnalités du monde médiatique. Ainsi se côtoient Mireille Mathieu, Georges Brassens, Jane Mansfield, Coluche, le Général de Gaulle, Catherine Langeais mais aussi Dominique Rocheteau, en pavant une des allées de son jardin du slogan détourné « Allée les verts ». Lucien s'est aussi attaché à représenter des personnes de son entourage familial comme ces portraits de sa petite-fille ou de son père ou encore des figures locales telles que le cantonnier du village.

Libertaire dans l'âme, Lucien Favreau se piquait d'iconographie frivole; on pouvait tout à la fois admirer un Jésus déguisé en bonne femme, une vache qui pisse (en ouvrant une vanne dissimulée), une Eve à la pose suggestive ou encore une jeune fille dévoilant son postérieur. Un explicite : « Je suis seul ce soir » apparait sur la façade avant de sa maison.

Au-dessus de la fenêtre de sa chambre, Lucien Favreau rendit un hommage au facteur Cheval: « Mon ami, mon chien, mon maître Cheval » et peignit le portrait de l'artiste drômois. « Nous lui avions offert un livre sur le facteur Cheval, c'est comme ça qu'il l'a découvert », précise Léon, le mari de Mireille.

On s'étonne à la vue d'une fresque des plus singulières au-dessus du lit de sa chambre: une procession de femmes nues, en proie au joug d'un dignitaire nazi, avançant péniblement dans la neige en direction de l'échafaud. Eros et thanatos, érotisme et fascination pour la mort, se conjuguent dans cette peinture murale hallucinée. Le monde apparaît alors comme une pulsation rythmée de vie créative et de mort destructrice. Une Eve dénudée et tentatrice est exposée à gauche de cet ensemble peint.

A droite de cette représentation y figure une Mireille Mathieu triomphante, écrasant de son pied Adolf Hitler. Des pierres sont disposées autour du matelas conférant à cette chambre à coucher une atmosphère parfaitement cauchemardesque. Des fonds marins sont peints au niveau du plafond de cette même chambre. Une pieuvre aux bras tentaculaires en bas-relief rôde au dessus de la tête de lit; autant de visions hallucinatoires venant assiéger l'esprit du dormeur, rendues visibles en ces lieux.

Il n'y a pas un pouce d'une partie quelconque de la maison qui n'ait été investi par Lucien. De nombreuses peintures ornent les murs de la maison. Les portraits de Luis Mariano ou de Goya côtoient ceux de la Joconde, portant Zappy dans ses bras, ou encore d'Hitler dans le corps d'un chat. Le site est actuellement entretenu par la fille de Lucien Favreau et son mari. Ils se chargent de faire visiter le jardin et la maison qu'ils occupent depuis le décès du père.