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Le Palais Idéal du Facteur Cheval

8 Rue du Palais, 26390 Hauterives

Match, septembre 1938

Joseph Ferdinand Cheval dit « Le facteur Cheval » (1836 - 1924) - Visite en août 202 Classé Monument Historique en 1969. Le Palais idéal appartient à la Ville d’Hauterives depuis 1994. Il est ouvert au public.

"Avril 1879. Ferdinand Cheval, facteur rural âgé alors de 43 ans, butte sur une pierre si bizarre lors de sa tournée qu’elle réveille un rêve. Véritable autodidacte, il va consacrer 33 ans de sa vie à bâtir seul, un palais de rêve dans son potager, inspiré par la nature, les cartes postales et les premiers magazines illustrés qu’il distribue.

Photographie: Romain Perrot

Joseph Ferdinand Cheval nait le 19 avril 1836 à Charmes-sur-l'Herbasse (Drôme). Du fait d'une scolarité courte, à l'école communale de Charmes, il maîtriserait mal la langue française qu'il écrit phonétiquement. Après l'obtention de son certificat d'études primaires, il devient à l'âge de treize ans apprenti boulanger. Il est pris en tutelle, à l'âge de dix-huit ans, à la mort de son père, par son oncle maternel Joseph Burel, qui le fait rapidement émanciper (la majorité à cette époque étant fixée à 21 ans). Il laisse à son frère la ferme familiale pour devenir en 1856 boulanger à Valence. Le 20 mai 1858, il se marie avec Rosalie (ou Rose) Revol, lingère, avec qui il aura deux enfants. Il est alors boulanger à Chasselay, une commune située au nord de Lyon en 1859.

Photographie: Romain Perrot

La mort de son premier fils en 1865 le fait abandonner la boulangerie, activité qu'il a pratiquée durant une douzaine d'années et dont l'expérience du pétrissage aurait influencé son savoir-faire de sculpteur et de créateur. Il s'engage comme ouvrier agricole, métier qu'il abandonne à la naissance de son second fils. Acculé à la misère, il se présente au concours de facteur et entre officiellement dans l'administration des Postes le 12 juillet 1867. Il est successivement facteur à Anneyron, puis à Peyrins, puis à Bourg-de-Péage. À sa demande, en 1869, il est affecté à Hauterives, à une douzaine de kilomètres de son village natal, ayant en charge la « tournée de Tersanne », une longue tournée pédestre quotidienne. Il y restera jusqu'à la retraite.

Photographie: Romain Perrot

Parcourant chaque jour une trentaine de kilomètres pour ses tournées en pleine campagne, il va ramasser des pierres, aidé de sa fidèle brouette. Pour son voisinage, le Facteur Cheval devient alors un être étrange, un « pauvre fou ». Il commence la construction de son monument.

Photographie: Romain Perrot

«Un jour du mois d'avril en 1879, en faisant ma tournée de facteur rural, à un quart de lieue avant d'arriver à Tersanne, je marchais très vite lorsque mon pied accrocha quelque chose qui m'envoya rouler quelques mètres plus loin, je voulus en connaitre la cause. J'avais bâti dans un rêve un palais, un château ou des grottes, je ne peux pas bien vous l'exprimer… Je ne le disais à personne par crainte d'être tourné en ridicule et je me trouvais ridicule moi-même. Voilà qu'au bout de quinze ans, au moment où j'avais à peu près oublié mon rêve, que je n'y pensais le moins du monde, c'est mon pied qui me le fait rappeler.

Photographie: Romain Perrot

Mon pied avait accroché une pierre qui faillit me faire tomber. J'ai voulu savoir ce que c'était… C'était une pierre de forme si bizarre que je l'ai mise dans ma poche pour l'admirer à mon aise. Le lendemain, je suis repassé au même endroit. J'en ai encore trouvé de plus belles, je les ai rassemblées sur place et j'en suis resté ravi… C'est une pierre molasse travaillée par les eaux et endurcie par la force des temps. Elle devient aussi dure que les cailloux. Elle représente une sculpture aussi bizarre qu'il est impossible à l'homme de l'imiter, elle représente toute espèce d'animaux, toute espèce de caricatures. Je me suis dit : puisque la Nature veut faire la sculpture, moi je ferai la maçonnerie et l'architecture. »

Photographie: Francis David

En 1894, le décès de sa fille Alice, à l'âge de 15 ans, l'affecte profondément. Il avait commencé à collecter les pierres de son palais l'année de sa naissance, mais sa fille ne connaîtra jamais son achèvement. Il habite ensuite une villa dénommée villa Alicius, en hommage à sa fille, qu'il fait construire à proximité du Palais idéal pour le valoriser. Cheval achève la construction de son palais en 1912.

Photographie: Romain Perrot

En 1896, il prend sa retraite. Il écrit en 1905 : « Fils de paysan je veux vivre et mourir pour prouver que dans ma catégorie il y a aussi des hommes de génie et d'énergie. Vingt-neuf ans je suis resté facteur rural. Le travail fait ma gloire et l'honneur mon seul bonheur ; à présent voici mon étrange histoire. Où le songe est devenu, quarante ans après, une réalité. » — Ferdinand Cheval, 15 mars 1905.

Ne pouvant être inhumé dans ce palais selon son souhait, il construit de 1914 à 1922 son tombeau au cimetière municipal. Il meurt le 19 août 1924."

Photographie: Romain Perrot

  • - Bruno Montpied, Le gazouillis des éléphants : tentative d’inventaire général des environnements spontanés et chimériques créés en France par des autodidactes populaires, bruts, naïfs, excentriques, loufoques, brindezingues, ou tout simplement inventifs, passés, présents et en devenir, en plein air ou sous terre (quelquefois en intérieur), pour le plaisir de leurs auteurs et de quelques amateurs de passage. Editions du Sandre, 2017.

    - Les révoltés du Merveilleux de Charles Soubeyran (Auteur), Robert Doisneau (Photographies), Gilles Ehrmann (Photographies), Le Temps qu'il fait, 2004.

    - Franck Chauvet, La France insolite, Editions France Loisirs, 2001.