Cartographie des Rocamberlus

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La cartographie des environnements d'art singulier

La cartographie des environnements d'art singulier
dessin de truelle

Plusieurs ouvrages de référence de ces trente dernières années m'ont permis de dresser une cartographie personnelle des environnements d'art singulier et de partir à leur rencontre. Mon premier ouvrage de référence a été celui de Bruno Montpied intitulé « Eloge des jardins anarchiques » paru en 2011 aux éditions « l'insomniaque ». De la lecture de ce livre, j'ai eu l'envie de rencontrer ces "inspirés des bords de route". Cela fait plus de dix ans que je sillonne la France, munie d'une carte routière criblée de petits points et d'annotations personnelles, à la découverte de ces habitants-paysagistes.

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Qu'est ce qui pouvait bien pousser ces personnalités, que rien ne prédestinait à la création artistique, à s'adonner à une telle pratique? Ces créatrices et créateurs n'appartiennent à aucune école et leur ambition s'arrête le plus souvent à leur porte. Certaines rencontres ont été déterminantes comme celle de Georges Maillard, qui nous a quittés il y a peu, auquel je rends hommage en reprenant ce terme de « Rocamberlus », néologisme poétique qu'il employait pour qualifier ses assemblages de pierres. Ces moments m'ont tout à la fois bouleversée, laissée pantoise devant la somme de travail accompli et m'inspirent chaque jour dans mes velléités à enchanter mon quotidien. «Le monde, il faut se le faire heureux par nous-même» comme le disait si justement Martial Richoz, "l'homme bus", fasciné par les trolley-bus au point d'en fabriquer lui-même à partir de chariots et de déambuler dans les rues de Lausanne dans les années quatre-vingt.

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La question de la sauvegarde de ces sites et de leur dimension patrimoniale est essentielle. Les environnements se dégradent inéluctablement avec les intempéries ou en raison d'actes de vandalisme. La plupart des décors en plein air nécessitent un entretien régulier. Que faire quand l'épreuve du temps dégrade inexorablement ces créations? Si certains de ces espaces jouissant d'une certaine renommée sont désormais protégés et régulièrement restaurés, d'autres construits dans des matériaux précaires, sont voués à tomber dans l'oubli et à disparaître. Les visites régulières permettent de se rendre compte de l'état de délabrement de ces sites. On pourrait aussi estimer qu'un site doive disparaître avec son créateur et qu'il ne soit pas possible d'extraire les œuvres de leur contexte d'origine. Certains souhaitent en effet que leur ouvrage disparaisse avec eux et d'autres aimeraient qu'on se rappelle un peu d'eux à travers leurs réalisations, ce qui nous conforte dans la nécessité d'une documentation aussi exhaustive que possible non seulement de ces environnements, mais des contextes de leur création.

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Il existe déjà plusieurs initiatives qui s'attachent à dresser un inventaire spécifique. Certaines s'intéressent exclusivement à des environnements conçus par des créateurs/trices autodidactes appartenant au monde ouvrier ou rural, d'autres incluent dans leurs classifications des initiatives personnelles. Par conséquent, j'ai nourri l'idée d'une nouvelle cartographie interactive et adossée à une base de données ouverte, qui permette à tous les contributeurs de participer à l'enrichissement de ce projet par l'envoi de photographies et de témoignages. Au-delà de ses visées inventoriales, cette nouvelle cartographie se présente comme un support de documentation qui permettrait, dans une certaine mesure, de contribuer à la sauvegarde de certaines réalisations. Elle peut aussi être un guide pour tout amateur d'art, désireux de partir à la rencontre de ces habitants-paysagistes. La plupart des créateurs/trices accueillent avec joie ces visites qui viennent agrémenter leur quotidien. Ces réalisations sont visibles depuis la route (la plupart du temps) et rares sont celles et ceux qui tiennent farouchement à préserver leur anonymat. Pour m'en assurer, je n'hésite pas à faire connaître mes intentions et à respecter leurs souhaits de confidentialité pour ceux et celles qui le désirent.

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Les sites ayant disparu ne sont pas répertoriés dans ce projet cartographique. En revanche si certains environnements survivent à leurs créateurs/trices, qu'ils soient laissés à l'abandon ou sauvés des inéluctables dégradations aussi bien par des proches, des amateurs d'art que par la municipalité, ils apparaissent dans ce référencement. J'ai souhaité faire la part belle aux créateurs ainsi qu'à leurs proches au travers de mes chroniques. Il me paraissait important de les citer, de valoriser leur parole avant toute chose.

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J'ai pu dresser cet inventaire en effectuant des recherches sur internet ou au moyen de ma bibliothèque d'ouvrages spécialisés, constituée au fil des ans. Je pense alors à tous ces défricheurs, les photographes Gilles Erhmann, Francis David, Claude et Clovis Prevost, Bruno Montpied ou encore Henk Van Es pour ne citer qu'eux, ayant parcouru la France entière bien avant moi à la découverte de ces lieux insolites pour nous en révéler leur beauté.

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Cette carte est lacunaire, elle se déploie dans le temps au gré de mes diverses pérégrinations et de nouvelles chroniques pointeront le bout de leur plume très prochainement.

Sonia Terhzaz - avril 2023