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La maison Picassiette

22 Rue du Repos, 28000 Chartres

Raymond Isidore par Robert Doisneau en 1953

Raymond Isidore (1900 - 1964) - Visite en juin 2014

La maison Picassiette est ouverture de la mi-mars à mi-novembre du lundi au samedi de 10h00 à 12h30 et de 14h00 à 18h00, le dimanche de 14h00 à 18h00. Fermé le mardi.

Employé communal de la ville de Chartres, Raymond Isidore fut tour à tour cantonnier puis balayeur du cimetière à partir de 1949 et y restera jusqu’à sa démission en 1958. Quelques années après son mariage avec Adrienne Doucet, il devint propriétaire d'un terrain rue du Repos dans un quartier pavillonnaire qui longe un cimetière, sur lequel il bâtira sa maison. Il eut ensuite l'idée de réaliser des fresques pour en assurer la décoration. Il commença par orner les murs, le sol et à recouvrir le mobilier de mosaïques composées de débris de céramiques et de porcelaines coulées dans le ciment qu'il se procurait dans les décharges publiques au moyen dune brouette. Tout l'intérieur fut recouvert de fresques rehaussées de mosaïques. Il se mit ensuite à parer de mosaïques les allées et les murs d'enceinte du jardin, construisit une chapelle, un logement d'été et pour finir un tombeau bleu nommé "le tombeau de l'esprit". Il créa trente ans durant et ne mit un terme à ses activités de bâtisseur qu'à la dernière année de sa vie. Selon sa veuve et ses deux beaux-fils, ses rêves nocturnes furent la source de son inspiration: "Je pense trop. Je pense la nuit aux autres qui sont malheureux. Ça m'empêche quelquefois d'être heureux. L'esprit m'a dicté ce que je devais faire pour embellir la vie. Beaucoup de gens pourraient en faire autant, mais non ils n'osent pas. Moi, j'ai pris mes mains et elles m'ont rendu heureux. Je voudrais être un exemple " Propos contenus dans l'ouvrage de Maarten Kloos, Le paradis terrestre de Picassiette, Encre Editions, Paris 1979, qui réunit l'ensemble des déclarations d'Isidore à la presse ou aux auteurs venus le rencontrer.

Photographie: Francis David

« J'ai d'abord construit ma maison pour nous abriter. La maison achevée, je me promenais dans les champs quand je vis par hasard, des petits bouts de verre, débris de porcelaine, vaisselle cassée. Je les ramassais sans intention précise, pour leurs couleurs et leur scintillement. J'ai trié le bon, jeté le mauvais. Je les ai amoncelés dans un coin de mon jardin. Alors l'idée me vint d'en faire une mosaïque, pour décorer ma maison. Au début je n'envisageais qu'une décoration partielle, se limitant aux murs (...) J'ai suivi mon esprit comme on suit son chemin (...) On m'a mis balayeur dans un cimetière comme quelqu'un qu'on rejette parmi les morts alors que j'ai des capacités pour faire autre chose ainsi que je l'ai prouvé"

Photographie: Francis David

"Les figures qu'il y a dans le jardin ne représentent pas des personnages définis, des noms, ce sont des masques, ainsi que l'esprit se cache parfois sous un masque". C'est ce qu'on veut. La femme occidentale est la Française par exemple, puisque je suis Français. La femme orientale peut être la Palestinienne. Elles sont comme deux sœurs qui s'aiment (...) On ne fait rien sans mal mais le mal se transforme en beauté (...) On jette tant de choses alors qu'on pourrait en faire de la vie et du bonheur (...) Avant de venir à mon chantier, je faisais souvent plusieurs kilomètres à pied pour rechercher ma matière première: les débris d'assiettes. Les matériaux: des fonds de bouteille d'eau de Cologne, des flacons de pharmacie, ce que les gens dédaignent et rejettent dans les carrières et les dépotoirs et qui peuvent encore servir; J'ai pris ce que les autres rejettent.

Photographie: Francis David

"Je fais indifféremment des sujets religieux ou bien des choses athées. C’est une réalisation de ma croyance personnelle, non de croyances apprises. J’ai fait ainsi ma chapelle pour moi. En 1962, le photographe Gilles Ehrmann consacre au facteur Cheval, à Picassiette et à quelques autres, un ouvrage, Les Inspirés et leurs demeures, préfacé par André Breton. L’ouvrage aura un succès tel qu’André Malraux, en 1969, fera classer au titre des monuments historiques le Palais Idéal du facteur Cheval dans la Drôme. Après la mort de Picassiette, puis de sa veuve, les héritiers vendent la maison à la ville de Chartres en décembre 1981, conscients que cette dernière pourra en assurer la conservation. Elle entre ainsi dans le domaine public. Deux ans plus tard, en décembre 1983, la maison et le jardin sont classés monuments historiques.

"Nous sommes dans un siècle pas bien. Je voudrais qu’en partant d’ici, les gens aient envie de vivre aussi parmi les fleurs et dans la beauté. Je cherche une voie pour que les hommes sortent de leur misère."

Photographie: Francis David

  • Claude Prevost, Clovis Prevost, Les bâtisseurs de l'imaginaire. Paris : Klincksieck, 2016. - Marteen Kloos, Le Paradis terrestre de Picassiette. Encre, 1979. - Charles Soubeyran, Les révoltés du merveilleux, Edition Le temps qu'il fait, 2020.

    - Bruno Montpied, Le gazouillis des éléphants : Tentative d'inventaire général des environnements spontanés et chimériques créés en France par des autodidactes populaires, bruts, naïfs, excentriques, loufoques, brindezingues, ou tout simplement inventifs, passés, présents et en devenir, en plein air ou sous terre (quelquefois en intérieur), pour le plaisir de leurs auteurs et de quelques amateurs de passage. Paris : Editions du Sandre, 2017. 

    - Franck Chauvet, La France insolite, Editions France Loisirs, 2001.