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Charles Pecqueur à Ruitz

26 rue du Maisnil , 42 rue du Maisnil et cimetière communal à Ruitz (Pas-de-Calais)

photographie Marc Sanchez

Charles Pecqueur (1908- 1990) - Visite en 2021

Charles Pecqueur est né en 1908 à Bruay-en-Artois dans le Pas-de-Calais où  il travailla comme mineur dès l’âge de 13 ans. Après s’être engagé dans la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, il devient conseiller municipal à la Libération avant d’être élu maire communiste pendant une vingtaine d’années à Ruitz près de Béthune. Pour embellir la commune, Charles Pecqueur aménage en 1965 sur un rond-point une fontaine agrémentée de sept nains, aujourd’hui détruite. Cependant, ce créateur autodidacte ne se limitait pas à l’espace public. En effet, Charles Pecqueur avait envahi les façades de sa maison en les ornant d’aplats en ciment représentant les Fables de La Fontaine ou l’histoire de Blanche-Neige. Les fresques sont très abîmées. Quelques sculptures en ciment ont pu être sauvées et sont exposées à la Fabuloserie. Une avenue de la commune de Ruitz porte son nom.

Popeye fatigué en 2021

Popeye regardant l'horizon à l'aide d'une longue vue. Photographie de Francis David datant de 1984.

"Sans avoir jamais appris le dessin il crée des œuvres en ciment (animaux exotiques) et construit une grande niche pour chien devant sa maison. Il décore certaines pièces de la maison comme le vestibule. Il s'adonne également à la peinture sur bouteilles, dame-jeanne ou toiles. Il écrit une pièce de théâtre qui se déroule dans le milieu de la mine. Elle sera jouée dans les environs de Ruitz. A la Libération, Charles Pecqueur est élu maire de sa commune (1946-1965). Il commence à réaliser des œuvres en ciment pour embellir la commune. En 1963, il réalise avec l'aide d'un ouvrier communal un caveau d'attente qui est toujours visible aujourd'hui à l'entrée du cimetière de Ruitz. Il aménage un rond-point (aujourd'hui disparu) au carrefour du CD 722 qui met en scène le personnage de Blanche-Neige et des nains autour d'une vasque en grès, le tout réalisé avec des matériaux de récupération. A la fin de son mandat, il se consacre à l'embellissement de sa maison. Pendant deux ans, il réalise la fresque qui se trouve sur le mur de palissade du jardin à l'arrière de la maison, décoration intérieure, mise en valeur de la façade de la maison avec des carreaux de faïence, construction d'une niche, boîte à lettres et bestiaires (éléphants, crocodiles...), trophées d'animaux (chien, cerf...) exposés sur les murs du garage. Monsieur Pecqueur est aussi l'auteur de peintures sur toile ou sur dame-jeanne, bombonnes, vases, assiettes qui sont en partie la propriété de son fils et de certains habitants de Ruitz.

Deux éléphants en ciment encadrent l'entrée de sa maison

La rue du Calvaire est parcourue d'un muret en grès récoltés dans les champs. Actuellement subsistent le mur de béton situé sur le mur d'enceinte du jardin où sont également installés des personnages animaliers (tortue, écureuil) faisant référence aux fables de la Fontaine. De son vivant, les arceaux recevaient des rosiers. Des animaux exotiques posés de part et d'autre de la porte d'entrée accueillent le visiteur. La galerie qui abritait un groupe de mineurs de fond a été vidée de son contenu et transportée au musée de la mine de Bruay-la-Buissière. Dans la même rue, sur la façade du 42 rue du Calvaire, se trouve un buste de Popeye en ciment, en assez mauvais état. Au cimetière existe toujours un caveau monumental en ciment placé à l'entrée qui ne porte ni date ni épitaphe. La maison est louée depuis 25 ans. Elle appartient au fils de monsieur Charles Pecqueur. Monsieur est connu comme un homme très affable, aimant et sachant raconter des histoires à ses hôtes qu'il recevait avec plaisir. Il ne portait jamais de gants car il avait besoin de sentir la matière qu'il façonnait. Monsieur Pecqueur se consacra à cette tâche à partir du moment où il quitta la fonction de maire de son village. Durant son activité, monsieur Pecqueur a été sollicité par les médias, dès 1971 il est le sujet de plusieurs articles dans la presse ou dans des ouvrages ou encore à la télévision (FR3 a enregistré un entretien, voir aux archives FR3)."

Texte de Nathalie Van Bost pour le site de l'Inventaire général du patrimoine des Hauts-de-France.

Au bout de la rue du Calvaire, à quelques dizaines de mètres de son domicile, on découvre cette devanture qui pourrait être attribuée à Charles Pecqueur.

Propos recueillis par Francis David dans Guide de l'art insolite Nord/Pas-de-Calais, Picardie, 1984 aux éditions Herscher:

"Je suis né le 31 mai 1908 à Bruay-en-Artois. Ma mère je l'ai pas connu. Elle est morte quand j'avais 18 mois. Mon père s'est remarié avec la belle-maman: c'était elle qui m'appelait P'tit Charles. Je ne poussais pas quand j'étais jeune, je suis quand même arrivé à 1,87 mètre. Et oui fallait toujours qu'elle achète ce qu'il y avait de mieux pour P'tit Charles. En tout et pour tout je n'ai eu que deux ans et demi de classe. En 1914 j'avais six ans, en peu de temps les Allemands sont arrivés chez nous. On a fermé nos écoles pour en faire des hôpitaux d'attente. Il y avait bien un cinéma, ils ont essayé d'en faire une école mais on était deux cents dans la même pièce, c'était populeux notre région. En 1921 je prenais mes treize ans le 31 mai, huit jours après je descendais au fond à 475 mètres, j'y suis resté trente-sept ans. Après mon mariage on est venu habiter, en 1930, à Ruitz, à la maison du grand-père. Puis en 1933 si je fais le calcul on est venu s'installer ici: c'était une maisonnette, il y avait la cuisine ou il y a le couloir, une pièce et une autre au-dessus. Maintenant on en a quatorze. Quand je faisais mes transformations il y en a des curieux qui demandaient à ma femme:

  • - Pourquoi il fait ça votre mari?

  • - Je sais pas elle leur disait

  • - Mais vous lui avez pas demandé?

  • - Ben oui, disait ma femme.

  • - Et qu'est ce qu'il vous a répondu?

  • - Et bien il ne savait pas!

J'avais décidé de me construire un garage. Une fois qu'il a été fini d'embellir, ma femme elle me dit :

  • - Tu ne trouves pas que tu exagères un peu, même le général de Gaulle il n'en a pas un comme celui-là.

  • - T'as peut être raison que je lui ai dit.

Alors j'en ai fait ma galerie et j'ai été obligé d'en construire un autre à la maison du grand-père. A vrai dire, tout ça je le faisais sans avoir rien appris: ces travaux-là c'était une affaire d'y mettre un peu de goût. De jeunesse, j'aimais bien le dessin. Pareillement, j'ai pas appris la musique mais je gratte un peu de tout, le banjo, le violon. Il faut aussi vous dire que j'avais écrit une pièce de théâtre: Des frères ça s'appelait, pièce en trois actes qui se passait au fond de la mine. Il y avait bien à pleurer dans cette histoire; vers la fin le personnage que j'interprétais disait : "Ça sent le grisou!". Alors c'est tout le décor qui s'écroulait sur le pauvre ouvrier avec l'explosion. La scène suivante se passait dans un hôpital, les mineurs venaient prendre des nouvelles de leur camarade et y en a un qui disait : "Et si on chantait une petite chanson": Sois fier ouvrier, ton œuvre est féconde, sans toi que deviendrait le monde, ne rougis pas de ton métier, sois fier ouvrier (bis) (...)

Ma fresque je l'ai commencée une fois que j'ai plus été maire, j'ai été deux ans occupé à cette affaire. A cette époque j'ai pu réaliser de mes mains un bon nombre de sujets en béton peints. Si j'avais eu un peu plus de place j'aurais continué et par exemple j'avais l'idée de me faire une petite mine, j'aurais pu l'installer dans le jardin, mais je voyais que ma femme, bien qu'elle n'ait jamais rien dit à ce sujet, ça lui plaisait pas trop (...)

Maintenant je travaille encore à la peinture en amateur, je n'suis pas un artiste, je n'ai rien de l'école des artistes. Celui qui est sculpteur ou peintre il a du matériel convenant à ce qu'il fait, moi j'ai tout ça avec des matériaux plus ou moins fins. Ça peut pas être autrement que ça, des fois j'explique, mais ça s'explique pas, en faisant mes peintures, je me parle de tout ça."

photographie Francis David - 1984