Cartographie des Rocamberlus

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Les mondes intérieurs de Jean Marie Massou

46250 Marminiac

Photographie: Matthieu Morin

Jean-Marie Massou (1950-2020)

L'association Le Sidéral également nommée "Club de l'amitié de Jean-Marie Massou" a été créée le 31 mai 2021. Elle la seule officielle à gérer les droits se rapportant aux œuvres de Jean-Marie Massou. Toute visite des lieux est interdite en raison de la dangerosité du site. Seule une visite accompagnée sera possible après prise de rendez-vous via le site de l'association: lesideral.org.

"Jean-Marie Massou a vécu 45 ans dans la forêt de Marminiac dans le Lot. Dans les années 1970, une mère refuse que son fils, jeune homme psychotique, analphabète et solitaire, soit interné en psychiatrie. Elle lui offre une forêt de châtaigniers. Jean-Marie Massou y réalisera, seul, une œuvre-monde sidérale et sidérante : des centaines de cassettes enregistrées, des milliers de pierres gravées, des tonnes de gravats déplacés pour creuser des kilomètres de galeries souterraines, des puits, un gouffre et ériger une pyramide, comme traces de sa mission universelle. Massou, retrouvé inanimé dans sa masure au milieu des bois le 28 mai 2020, à l'âge de 70 ans, avait fait l'objet d'un documentaire remarqué réalisé par le plasticien Antoine Boutet en 2009." Les Presses du réel.

Photographie: Matthieu Morin

Texte de Walter Levino, voisin et ami de Jean-Marie et de sa maman Paulette Massou, datant de 1984:

"En territoire de Marminiac, commune du Lot, sur un tertre forestier de chênes à truffes et de châtaigniers, au lit dit "le tournant de la parisienne" on découvre une excavation circulaire autour de laquelle se dressent d'énormes pierres dont certaines sont entassées et calées les unes sur les autres. Chaque pierre levée, menhir et dolmen, pèse de six à huit tonnes et toutes ont été extraites de l'excavation.

relevés dessinés des gravures de Massou en forêt par Craoman

Il ne s'agit point là d'un site de notre préhistoire agencé par les nombreux membres d'une tribu d'architectes néolithiques encore que cette sorte de gîte nous y fasse penser. Un contemporain, un homme seul, tout à fait seul (bien qu'incidemment aidé par sa mère) a excavé le sol. Seul il sépara du roc par clivage tous ces blocs qu'il sortit de leurs loges pour les hisser à l'extérieur les uns sur les autres.

Photographie: Matthieu Morin

A une demi-lieue de là au lieu dit "Limoge" ou "Bancup" le blindage du sol lui a fourni matière pour ériger des blocs qui pèsent cette fois de dix à quinze tonnes, sinon plus. La crète boisée a permis à l'homme Jean-Marie Massou de prendre ses appuis de levage et ses ancrages de traction. Il n'en reste pas moins que l'exploit, du seul point de vue physique, ne semble pas en rapport avec les médiocres possibilités d'un homme solitaire. Cela est prodigieux. Mais à mesure que l'on s'interroge sur cette démonstration du maniement oublié des colossales pesanteurs on s'aperçoit que tout tient dans la connaissance profonde, instinctive, des lois de l'univers physique.

Photographie: Matthieu Morin

Après cette visite on ne peut plus s'interroger sur le "comment" de l'entassement des pyramides et des murs cyclopéens de Mycène. Il devient clair que faire mouvoir les forces de ces montagnes artificielles allait de soi avec l'intelligence d'alors.

Le "pourquoi" de ces ouvrages titanesques de jean-Marie Massou est celui d'un autre temps. Il nous livre son message d'abord par bribes, par des saignées sculptées sur ses édifices. Animaux disparus, étranges, exotiques ou familiers, voiliers à cinq mats, fleurs de lys, couronnes royales, soucoupes interplanétaires...il mêle au profond passé de profonds futurs; Tout cela avec une grand sobriété d'évocation et une extrême franchise (...)

relevés dessinés des gravures de Massou en forêt par Craoman

Elu parfait et plus-que-parfait de quelque fantôme cathare, il préconise assez férocement la Paix par extinction de la mauvaise humanité. Un cartouche aux testicules tranchées montre à l'évidence qu'il s'oppose à toute procréation de l'homme (...)

J'ai personnellement, avec difficulté, emprunté une de ces galeries tortueuses, exiguës et encombrées, oppressantes (le souffle vous manque) d'un rouge sanglant vif sous la lueur de la lampe de poche. De proche en proche des salles d'une certaine ampleur ponctuant le circuit; elles ont été aménagées dans le roc en antre de troglodytes auquel s'accolent des salles secondaires dont les accès, chambranles et linteaux de portes, sont gravés, porteurs du message massique: "Ainsi le gîte désigné Cro-Magnon".

Photographie: Matthieu Morin

Avec agilité, sans corde ni échelle, n'utilisant que la prise des parois, il s'enfonce dans un nouveau trou de forage, pratiquement vertical, pour disparaitre à trente mètres de profondeur, inaccessible à l'éclairage de ma lampe. Son aller et retour permanent entre le fond et la surface tient du prodige. Tout aussi aisé, il y va de sa parole. La richesse de son vocabulaire révèle sa compétence technique, et sert de support à sa passion dont il exalte les moyens par réflexions sur la caractéristique de son outillage. Il m'apprend aussi qu'une doline est l'aire de cette large cuvette, marque d'un effondrement géologique, qui sans son discernement de Peau-rouge (la glaise le rougeoie comme un Sioux) resterait pour moi illisible sous les ronces et les mousses.

Trois puits principaux se trouvent jusqu'à présent mis en relation profonde par un labyrinthe de conduits et de grottes artificielles. Ils préfigurent ce qui, après déjà quatre ans d'activité, sera le musée unique au monde Jean-Marie Massou, intra-terrestre de trente cinq ans pour qui l'épreuve des pierres est préférable à la fréquentation des hommes. Entrailles, entrailles! "

Photographie: Matthieu Morin

  • - Jean-Marie Massou, édité par le Collectif / Knock Outsider, La Belle Brute et Art et marges musée, paru dans le cadre de sa première exposition monographique au musée arts & marges de Bruxelles, en novembre 2022.

    - Bruno Montpied, Le gazouillis des éléphants : tentative d’inventaire général des environnements spontanés et chimériques créés en France par des autodidactes populaires, bruts, naïfs, excentriques, loufoques, brindezingues, ou tout simplement inventifs, passés, présents et en devenir, en plein air ou sous terre (quelquefois en intérieur), pour le plaisir de leurs auteurs et de quelques amateurs de passage. Editions du Sandre, 2017.

  • - Antoine Boutet, Le plein pays, 58 min, 2009

    - La citerne de Coulanges, (CD), La Belle Brute, 2022

    - Sodorome Vol.1, La Belle Brute, 2016